Il est clair que tous les indicateurs économiques ont enregistré une régression au cours des neuf premiers mois de 2015 sur un an. Le recul du secteur de l’immobilier est le plus percutant vu ses retombées indirectes sur plusieurs autres secteurs économiques productifs si l’on prend en compte le dicton populaire qui dit: «Lorsque le bâtiment va, tout va». En effet, le secteur de la construction et de l’immobilier est un pilier fondamental de la croissance économique d’autant que sa part représentait près de 20% du PIB. Aujourd’hui, sa part a reculé, pour tourner autour de 17%.
La valeur des transactions immobilières a ainsi enregistré une baisse de près d’un milliard de dollars de janvier à fin septembre 2015 sur un an, passant de 6,7 milliards de dollars sur la période couverte en 2014 à 5,7 milliards en 2015, soit un recul de 14%. Dans le même contexte, le volume du ciment délivré a régressé de 14,6%. Certains courtiers immobiliers sont persuadés que seuls les prix sur les appartements de grand standing ont été affectés à la baisse en l’absence des grandes fortunes arabes d’une part, et la satisfaction, dans un passé récent, de la forte demande des Libanais aisés, qui ont agrandi leurs appartements ou se sont déplacés vers des quartiers plus huppés, d’autre part.
Reste le segment des jeunes couples qui sont en instance de s’installer, et les célibataires qui souhaitent quitter le giron familial pour gagner leur indépendance. La demande de ce segment de clientèle est bien définie: il s’agit d’appartements de petites et moyennes dimensions, dont le prix est inférieur à 400 000 dollars. Cette catégorie de demande n’aurait pas subi de coupe substantielle si l’on prend en considération la part des prêts logement dont les taux d’intérêt sont bonifiés grâce à la subvention de la Banque du Liban (BDL). Celle-ci représente entre 52 et 54% du total des avances consacrées à l’acquisition d’une résidence principale. Ainsi, dans un environnement d’instabilité locale et régionale, la demande sur l’immobilier est concentrée sur un segment de jeunes résidants ou non résidants, dont le budget est limité, ce qui a entraîné un recul du nombre des transactions immobilières de janvier à septembre 2015 de 13% sur un an, en 2015. En revanche, l’existence de cette catégorie de demandes a contribué à maintenir sur pied le secteur immobilier dans son ensemble.
A cet élément, il faudrait ajouter l’absence du marché de réels spéculateurs (le nombre de spéculateurs ne dépasse pas 20% des acheteurs); l’absence de bulle immobilière qui se traduit au Liban par un mouvement de hausse graduelle des prix pour ensuite se stabiliser lors du ralentissement économique dans un processus d’absorption des nouveaux prix; l’effet de levier des développeurs immobiliers relativement faible, qui comptent plutôt sur un autofinancement de leurs projets et, enfin, la disponibilité limitée des terrains à construire surtout dans les chefs-lieux des mohafazat.
Liliane Mokbel (l'Hebdo Magazine, Dec 2015)